Le Front national est un parti fasciste

Paris, le 11 décembre 2015

Nous entendons actuellement un étonnant discours en France : il consiste à dire que prendre d’emblée ses distances avec le Front national (FN) constituerait une diabolisation inutile à l’égard d’un parti qui serait pourtant républicain puisqu’il n’est pas interdit. Les journalistes, analystes et observateurs auraient une forme d’a priori éthique à l’égard du parti de la famille Le Pen, débouchant sur un discours moralisateur qui serait aussi inutile qu’inefficace (1). L’ancien président de la République Nicolas Sarkozy lui-même considérait, lors d’un meeting électoral le 8 décembre 2015, que le vote pour le Front national n’est pas un vote contre la République. Et le chef de file du parti Les Républicains affirmait que le vote pour le Front national n’est pas immoral (2). Forte de cet appui parisien, Marion Maréchal-Le Pen a réagi face à son adversaire en Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Christian Estrosi, en lui demandant d’arrêter de lui faire la morale (3).

Cette approche objectiviste semble permettre, selon ceux qui la défendent, de se concentrer sur le débat politique et sur les causes profondes du malaise des citoyens, que les autres partis politiques auraient ignorées : selon eux, les « vrais problèmes » sont l’invasion de la France par les réfugiés, l’islamisation de la société, les territoires perdus de la République, le chômage, le déficit public, etc. Leur approche tend à conforter, par la même occasion, l’idée que le Front national serait un parti comme un autre, apparemment assez proche, au moins dans les discours, de certains candidats de la droite traditionnelle. Juste à peine un peu au delà disent-ils,…

On sait également que la présidente du FN récuse la qualification de parti d’extrême droite, formulation qui s’impose pourtant depuis des décennies dans les médias, dans le monde politique et même chez la plupart des politologues et historiens interrogés. Parallèlement, Marine Le Pen poursuit en justice pour injure ceux qui, comme le député européen Jean-Luc Mélenchon, la qualifient de fasciste (4) .

1. Des mots pour comprendre

Appeler le Front national un parti d’extrême droite n’aide assurément pas à comprendre les raisons de son succès ni les ressorts de son positionnement politique. Certes, nombreux sont les observateurs qui sentent l’insuffisance de cette dénomination mais qui, faute de mieux, hésitent à en utiliser une autre. L’historien Zeev Sternhell a néanmoins contribué à éclairer cette question catégorielle dès 1978 dans un ouvrage important sur La droite révolutionnaire (1885-1914) (5) : il complétait la célèbre typologie de René Rémond des trois droites – légitimiste, orléaniste et bonapartiste – par cette quatrième catégorie, la droite révolutionnaire, qui se distingue fondamentalement de la troisième. En effet, outre ses caractères populaire, plébiscitaire et autoritaire, la droite révolutionnaire ne pouvait être un simple prolongement du bonapartisme, car il lui manque un ingrédient authentique de gauche, socialiste, socialisant, souvent d’origine marxiste (6), même s’il s’agit d’une de ses révisions telles que les mèneront Georges Sorel (1847-1922) ou Henri De Man (1885-1953).

A partir de cette analyse, et dans la suite de ses travaux, Sternhell va mettre en évidence l’origine française de l’idéologie fasciste en montrant qu’elle constitue un corps doctrinal aussi cohérent que redoutable, ouvrant d’ailleurs des ponts intellectuels vers ses voisins italiens, belges et allemands (7) . C’est, en effet, à la faveur de la révolution intellectuelle européenne du dernier quart du XIXème siècle que le rationalisme et l’individualisme ont été mis en cause, ce qui a affaibli considérablement les bases philosophiques de la démocratie, du libéralisme et du socialisme. Selon l’historien israélien, les crises profondes de la République que sont les affaires Boulanger (1885-1899) et Dreyfus (1894-1906) favorisent cette émergence d’une idée d’un consensus national autour de la terre, des morts et du rejet de ceux qui ne sont pas « les bons Français », parce qu’incarnant, aux yeux de ces penseurs et publicistes, l’étranger à la communauté nationale. Socialistes révolutionnaires et nationalistes conservateurs en quête d’une Révolution nationale se retrouvent alors unis dans un même rejet de la droite et de la gauche, de la démocratie libérale, de la société bourgeoise et du socialisme matérialiste.

Cette filiation, toujours non revendiquée, constitue la trajectoire historique du surnationalisme (8) de l’actuel Front national français. Aujourd’hui comme hier, elle permet la même alliance entre un mythe national et une forme de socialisme révisé, populaire, alliance qui a évacué la lutte des classes au profit de la nation, ou de ce qu’on appelait jadis la race.

2. Le Front national, un parti qui couvre l’ensemble du spectre électoral

Ces travaux ont parfois ouvert des querelles intellectuelles, parfois bénéfiques, parmi les historiens (9), notamment à cause du risque d’une perte d’historicité que les résultats de ces recherches encouraient. Nous pensons néanmoins, nous aussi, que les idées sont vivantes et qu’elles sont parfois plus explicites avant leur mise en œuvre. Ces analyses ont surtout à nos yeux la vertu de mettre directement en cause l’idée dévastatrice que le fascisme ne serait qu’un bric-à-brac politique, ou un amas de débris idéologiques, comme l’écrivait jadis Henri Lefèvre (10) . En tant que modèle pédagogique permettant d’identifier les ingrédients du fascisme, ces travaux clarifient ce qui semblerait a priori obscur ou nébuleux dans le paysage politique actuel.

En effet, une attitude se répète : ainsi qu’on le faisait pour les leaders fascistes de l’Entre-deux-Guerres, on retrouve aujourd’hui la même tendance à nier l’existence d’une doctrine inscrite dans une trajectoire historique pour se focaliser sur des personnalités que l’on voit obsédées par quelques idées fixes (11). En conséquence, nombreux parmi ceux qui se disent ou se croient experts de ce qu’ils persistent à appeler l’extrême droite présentent les personnalités frontistes comme des imbéciles – en particulier dans l’analyse économique –, à qui on reconnaît la seule qualité de séduction des masses ou, pour reprendre une formule devenue classique, la sournoiserie « de poser les bonnes questions en y apportant de mauvaises réponses », ou encore la capacité de masquer leurs contradictions apparentes de véhiculer des idées de droite avec un programme économique de gauche (12) .

Dès lors, à mes yeux d’historien, considérer que le Front national est un parti fasciste ne constitue pas une insulte ou une injure : cela permet de décrypter avec pertinence son succès populaire, d’expliquer pourquoi – sans surprise – il couvre l’ensemble du spectre électoral et donc de comprendre la raison pour laquelle il recrute des adhérents tant parmi les classes moyennes que dans les anciens bastions de la classe ouvrière, c’est-à-dire au sein des populations qui vivent aujourd’hui un sentiment d’abandon par rapport au socialisme ou au communisne qu’ils ont soutenu jadis (13) .

Le 18 octobre 2014, les historiens Pierre Milza et Zeev Sternhell, ont tenu débat, animé par Alain Finkielkraut pour son émission Répliques sur France Inter, sur L’histoire et l’avenir du fascisme en France. L’auteur de Les Fascismes (14) reprenait à son compte, en la citant, la définition d’Emilio Gentile selon lequel le fascisme est un phénomène politique moderne, nationaliste et révolutionnaire, anti-libéral et anti-marxiste, organisé autour d’un parti-milice, qui pratique une conception totalitaire de la politique et de l’État construite sur une idéologie mythique, virile et anti-hédoniste. Cette idéologie se voit sacralisée au moyen d’une religion politique, qui affirme la primauté absolue de la nation conçue comme communauté ethnique organique et homogène (15). Ainsi, même en étant agacés de voir se dessiner une troisième voie à côté de la gauche et de la droite, ou en étant aussi méfiants que pouvait l’être Max Weber à l’égard des idéaux-types en histoire (16) , on ne peut que constater l’affinité de cette définition avec le discours du Front national français, ou avec celui de son cousin le Vlaams Belang flamand.

Peu de citoyens savent encore aujourd’hui que l’idée de faisceau, mise en avant dans un contexte d’antisémitisme par le Marquis de Morès en 1894, comme doctrine du consensus national, est à l’origine du concept même de fascisme. A cette époque, comme aujourd’hui dans le discours du Front national, il s’agit de concevoir, de maintenir, voire de renforcer une nation essentialiste, ethniquement et religieusement homogène (17). Cette conception est dangereusement éloignée de l’idée de nation présentée comme communauté des citoyennes et des citoyens, chère aux Lumières, conception qui a fait et fait toujours l’honneur de la République française : elle est celle des Droits humains universels.

Conclusion : un choix respecté, à défaut d’être respectable ?

Puisque, à n’en pas douter, la problématique de l’identité nationale est au cœur de l’idéologie du Front national, je voudrais à nouveau rappeler la question pertinente posée par Claude Julien lors d’un colloque à l’Université de Mons en octobre 1994. L’ancien directeur du Monde diplomatique, invité à s’exprimer sur ce sujet par la Professeure Claire Lejeune se demandait s’il est possible de se dire Français, de culture française aujourd’hui, sans dire si nous nous rangeons pour la période 1940-1945, du côté de Vichy ou du côté de la Résistance ? (18) Cette question – et surtout la réponse qu’on y apporte – reste totalement d’actualité. Non seulement, parce que, bien entendu, il existe d’autres manières d’aborder la question de l’identité nationale que la voie que prend le Front national ou les mouvements et partis qui lui ressemblent. Ceux-là préfèrent l’essentialisme patrimonial crispé à un processus ouvert d’identification à des valeurs respectueuses de l’être humain et de la citoyenneté démocratique (19) . Mais aussi parce que les idéologies peuvent – ou non – se traduire en actes. Tous les députés fascistes ou rexistes de 1936 ou 1938 ne sont pas devenus des collaborateurs des nazis en 1940-1945. Indépendamment des affirmations régulières de Jean-Marie Le Pen d’avoir participé au maquis pendant la Deuxième Guerre mondiale (il est né en 1928), qui pourrait soutenir sérieusement que les racines idéologiques du Front national français, comme d’ailleurs du Vlaams Blok ou Belang, s’inscrivent dans la Résistance ? C’est incontestablement le ministre allemand de l’économie, Wolfgang Schäuble qui avait raison lorsqu’il avait considéré que les Français avaient voté non pas pour un parti de droite, mais pour un parti fasciste (20).

Certes, comme l’écrivait Ralph Schor au début du XXIème siècle, il existe un paradoxe français qui veut qu’au moment où le principe de la liberté individuelle s’impose dans le domaine de la vie privée, l’exigence du respect de l’ordre et de l’autorité grandit dans la sphère publique (21). Mais ce paradoxe ne saurait à aucun moment justifier politiquement que les Françaises et les Français se rallient massivement à la bannière haineuse du Front national.

Des Führer et des Duce ont captivé les foules par leurs discours rassembleurs, leurs solutions semblant couler de source et soi-disant citoyennes à des crises qui affectent la France comme l’Europe et le monde. Ni plus, ni moins. Dans l’urgence de situations difficiles, les citoyens se sont laissé séduire par ce qu’ils ressentaient comme des paroles proches de leurs préoccupations, semblant induire les changements qu’ils espéraient. Personne n’a le droit d’oublier ces dures leçons de l’histoire de l’humanité. Au contraire, rappeler les dérives sournoises et dramatiques du fascisme, prévenir les citoyennes et citoyens d’aujourd’hui afin de protéger la démocratie pour les générations futures constitue un devoir. Les valeurs de la France libre, « liberté, égalité, fraternité », sont à ce prix. Ce n’est pas là faire preuve de morale ou de mémoire. C’est se souvenir de l’histoire comme connaissance et comme choix de trajectoire.

Choix relatif des Italiens de se donner indirectement Benito Mussolini comme chef le 6 avril 1924.
Choix relatif des Allemands de mettre le parti d’Adolf Hitler en tête aux élections du 6 novembre 1932.
Choix véritable des Françaises et des Français de livrer les nouvelles régions au Front national, parti fasciste, aux élections du 13 décembre 2015.

Au risque de créer de nouveaux territoires perdus dans la République…

Les Françaises et les Français ont l’avantage d’être souverains. Leur choix sera assurément respecté. Espérons qu’il soit respectable.

Philippe Destatte

https://twitter.com/PhD2050

[1] Les média dans le piège du FN ? Emission On va plus loin, avec notamment Philippe Bilger et Isabelle Veyrat-Masson (CNRS), Chaîne LCP, Assemblée nationale, 9 décembre 2015. – Les historiens n’échappent d’ailleurs pas non plus à ce discours, voir par exemple : André ROPERT, Front national et fascisme, Blog Histoire de le dire, 1er juin 2014, http://blogs.lexpress.fr/histoire-politique/2014/06/01/front-national-et-fascisme/  – Dans son dernier livre, Régis Debray écrit : Nous sommes passés sous la coupe des gentils. Quand on n’a plus le moral, et plus trop l’envie de comprendre ce qui se passe, on se met à la morale. R. DEBRAY, Madame H., p. 79, Paris, Gallimard, 2015.

[2] Jean-Baptiste GARAT, La ligne Sarkozy crée des tensions à droite, dans Le Figaro, 10 décembre 2015, p. 4.

[3] Lors du face à face électoral, sur LCP, 9 décembre 2015.

[4] Nicolas LEBOURG, Jean-Luc Mélenchon doit répondre devant la justice d’avoir taxé la présidente du FN de «fasciste», qui le poursuit pour «injure». Slate.fr, 6 mars 2014, http://www.slate.fr/story/84241/le-pen-fasciste-injure

[5] Zeev STERNHELL, La droite révolutionnaire, 1885-1914, Paris, Seuil, 1978.

[6] ID, Ni droite ni gauche, L’idéologie fasciste en France, p. 316, Paris, Seuil, 1983. – Maia ASHERI, Zeev STERNHELL, Mario SZNAJDER, Naissance de l’idéologie fasciste, Paris, 1989.

[7] Philippe DESTATTE, Socialisme national et nationalisme social, Deux dimensions essentielles de l’enseignement du national-socialisme, dans Cahiers de Clio, 93/94, p. 13-70, Université de Liège, 1988.

[8] Nous avons développé ce concept de surnationalisme au sujet du Vlaams Blok, dans un échange avec l’historien Marnix Beyen, en vue d’éviter le terme de fascisme. Marnix BEYEN et Philippe DESTATTE, Un autre pays, 1970-2000, Nouvelle Histoire de Belgique, t. 9, Bruxelles, Le CRi, 2009.

[9] Voir : Serge BERSTEIN et Michel WINOCK dir., Fascisme français, La controverse, Paris, CNRS Editions, 2014. – Amélie BRISSAC, Zeev Sternhell, ou la conception idéaliste de l’Histoire, sur Huffingtonpost, 26 octobre 2014, http://www.huffingtonpost.fr/amelie-brissac/zeev-sternhell-ou-la-conception-idealiste-de-lhistoire_b_6035450.html

[10] Henri LEFEVRE, Le marxisme, p. 12, Paris, Puf, 1974.

[11] Jean TOUCHARD, Histoire des idées politiques, t. 2, p. 802, Paris, Puf, 1967.

[12] Il existe bien sûr des analyses plus fines et nuancées, voir notamment Erwan LECOEUR, Un néo-populisme à la française. Trente ans de Front national, Paris, La Découverte, 2003. https://www.cairn.info/un-neo-populisme-a-la-francaise–9782707139313.htm

[13] D’autres appellations sont évidemment possibles. Assurément, écrit Emilio Gentile, rien n’empêche de définir comme « fasciste » toute idéologie, apparue avant ou après la naissance du mouvement fasciste en Italie, qui essaie de faire la synthèse entre le nationalisme et le socialisme ; mais, en ce cas, peut-être serait-il historiquement et philologiquement plus correct d’employer le mot « national-socialisme » qui, d’un point de vue historique, semble avoir un droit de primogéniture par rapport au mot « fascisme ». E. GENTILE, Qu’est-ce que le fascisme ? dans S. BERSTEIN & M. WINOCH, op. cit., p. 162.

[14] Paris, Seuil, 1991.

[16] Max WEBER, Il metodo delle scienze storico-sociali, p. 113-114, Milan, 1974, cité dans E. GENTILE, Qu’est-ce que le fascisme…, p. 166.

[17] Z. STERNHELL, La droite révolutionnaire, 1885-1914, p. 180, Paris, Le Seuil, 1978.

[18] Voir Citoyenneté européenne et culture, Cahiers internationaux de Symbolisme, n° 80-81-82, 1995. La citation n’y figure pas, il s’agit d’un verbatim que j’ai pris en note à cette occasion.

[19] Voir l’introduction de Ph. DESTATTE, L’identité wallonne, Essai sur l’affirmation de la Wallonie, XIX-XXème siècle, Charleroi, Institut Destrée, 1997.

[20] Olivier FAYE, Crise des migrants : le FN tient Angela Merkel pour responsable sur Le Monde.fr, 24 septembre 2015.

[21] Ralph SCHOR, Histoire de la société française au XXème siècle, p. 426, Paris, Belin, 2004.

1 commentaire
  1. Joseph CHARLIER a dit:

    Philippe,

    J’ai lu avec grand intérêt ton texte « Le front national est un parti fasciste ». Grand merci d’appeler les choses par leur nom.

    Ton rappel historique de ce qui constitue l’essence du fascisme – qu’il serait opportun de rattacher aux critiques des philosophes Hannah Arendt et Claude Lefort sur le totalitarisme, ou de celles des écrivains Primo Levi et Imre Kertez sur le nazisme – est non seulement nécessaire pour ce qui concerne les citoyens français appelés au vote pour les élections régionales, mais aussi pour tous les citoyens européens.

    En effet, dans les périodes très agitées que nous vivons, bousculés que nous sommes dans nos sécurités, et, certains plus que d’autres encore car vivant de plus grands désarrois, la porte est ouverte au repli sur soi, au rejet de l’autre, au nationalisme identitaire, aux aventures autoritaires. Le danger est réel, non seulement en France, mais aussi dans d’autres sociétés/Etats européens, y compris en Belgique, que certains groupes ou clans renouent avec les idéologies les plus réactionnaires, celles qui divisent la société, celles qui peuvent conduire à un recul grave de l’Etat de droit, celles qui mettent au ban de la société les citoyens que certains appelaient autrefois les « classes dangereuses », qu’il vaut mieux contenir, encadrer, mettre à l’écart, expulser, celles qui conduisent in fine à liquider la démocratie.

    Il s’agit là d’un processus insidieux, qui, si nous ne le combattons pas, dès ses premières manifestations, sème le doute sur la qualité de nos démocraties et celles de ses représentants, plus même sur la qualité de nos sociétés, à pouvoir répondre aux besoins, aux intérêts, aux difficultés des citoyens. Lorsque ce doute ainsi instillé et non combattu dans son principe et ses manifestations s’est installé, le terrain est propice à l’irruption sur la scène politique des « chefs » salvateurs, qui, bien sûr, ne revêtent pas les mêmes habits que ceux du siècle passé, mais dont le discours d’exclusion, de haine, constitue toujours le même fondement.

    Nous ne pouvons rester muets face à de tels possibles égarements. Non seulement, il importe de rappeler l’histoire, grave, des terribles tragédies que ceux-ci ont autrefois commis, de souligner les bienfaits de nos si imparfaites démocraties – dont il est nécessaire que nous réduisions les tares, dont, au premier, les si grandes inégalités qu’elles contiennent qui ne sont pas tolérables et qui les mettent ainsi en péril -, mais, surtout, de proposer au débat public une réflexion critique, vive, fine, tant sur la nature et les fins des actuels “projets” fascistes, populistes, nationaux identitaires (afin de les confondre, de faire apparaître au grand jour ce qu’ils sont vraiment : des “projets” haineux, fallacieux, réactionnaires), que sur la nature et les fins du projet démocratique dont il apparaît aujourd’hui, en toute clarté, qu’il est indispensable de le re-visiter, de le re-fonder pour re-créer l’espoir, l’enthousiasme, des citoyens, et, particulièrement, celui de celles et ceux qui connaissent la précarité, l’appauvrissement, la relégation.

    A l’effort de connaissance, de culture (politique !), au débat critique, que cela demande à tous, et que les institutions publiques, les écoles, les universités, les partis, les syndicats, les associations, doivent porter avec la plus grande vigueur, il est primordial d’ajouter encore une autre condition : la nécessité de nous mettre, concrètement et urgemment, au travail pour dessiner ensemble une vision de société capable de faire la synthèse entre le meilleur des divers projets politiques démocratiques afin de répondre aux besoins d’une société qui n’en peut plus, qui se sent comme “un peu perdue”, qui ne demande qu’à vivre bien, mieux, et en bonne entente. Encore un très sérieux effort. C’est possible. Quand allons-nous nous y mettre ?

    Joseph Charlier

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